Les contrats de mariage

Un outil sur-mesure, trop souvent réduit à sa seule caricature

Pour résumer

Un contrat de mariage doit être établi en présence des deux époux par un notaire. Il convient de prendre le temps de réflexion nécessaire afin d’en comprendre tous les tenants et aboutissants.

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    La mise en place d’un contrat de mariage est rapide et peu onéreuse ;

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    Le contrat de mariage permet d’établir les intérêts des époux et des tiers lorsque tout va bien pour anticiper l’avenir ;

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    Le contrat de mariage est totalement personnalisable et modifiable dans le temps ;

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    Le contrat ne peut être créé puis modifié qu’avec le consentement express de chacun des époux.

Zoom sur un loup blanc tant incompris

Le début d’un mariage est généralement prometteur (du moins c’est ce que l’on peut souhaiter aux futurs époux), mais nul ne saurait présager de son évolution future. Les statistiques sont cependant claires ; si « seulement » 53% des mariages s’achèvent en divorce, 100% des mariages s’achèvent bien un jour. Intervient alors la question du contrat de mariage suscitant de vives réactions, pouvant aller jusqu’à son rejet total sous divers prétextes plus farfelus les uns que les autres.

Cet article se propose d’éclaircir et mettre en avant le rôle crucial du contrat de mariage : établir un cadre contractuel sur mesure définissant les droits et devoirs des époux devenu famille, leurs contributions à charge du mariage, leur organisation de leur patrimoine et de la famille, ainsi que la relation de la famille avec les tiers.

Son but est de réguler et sécuriser juridiquement l’union maritale, offrant ainsi une clarté essentielle pour l’avenir matrimonial.

Le mariage est encadré par des règles minimales obligatoires et incontournables (dites d’ordre public), définies par les articles 212 à 226 du Code Civil. Ces règles essentielles sont nommées ensemble le « régime primaire » du mariage dont voici les principales :

  • Les époux se doivent mutuellement fidélité, assistance et secours,
  • Les époux sont tenus à une vie commune sous le même toit (mais heureusement, pas forcément dans la même pièce),
  • Ils contribuent ensemble aux charges du mariage en proportion de leurs facultés – et non volontés ! – respectives (vacances, loisirs, loyers, charges de copropriété, repas, …),
  • Les époux sont solidairement tenus aux dépenses nécessaires ayant pour objet l’entretien du ménage (loyer, charges…) ou l’éducation des enfants (frais de scolarité, dépenses médicales…),
  • Les logements de la famille tombent dans la gestion matrimoniale ; un époux ne peut pas le vendre sans le consentement de l’autre, même s’il en est seul propriétaire.

Par ailleurs, les époux sont par principe solidaires du paiement des impôts et taxes les plus courants :

  • L’impôt sur le Revenu,
  • Les Prélèvements Sociaux,
  • L’Impôt sur la Fortune Immobilière,
  • Les taxes d’habitation et foncière.

Ce régime primaire s’applique au mariage afin de protéger les époux et leurs enfants. Si les partenaires de PACS supportent un régime primaire simplifié, il n’existe aucun équivalent pour les concubins.

En cas de séparation, le régime primaire implique un droit à prestation compensatoire visant à maintenir le niveau de vie du conjoint qui se retrouverait lésé. Autrefois, usuellement sous la forme d’une rente, elle revêt de nos jours davantage la forme d’un paiement comptant, potentiellement en nature.

La prestation compensatoire est strictement distincte de la pension alimentaire. Cette seconde ne sert qu’à partager le coût de l’éducation des enfants en faveur de l’époux qui en aurait la garde.

Le taux d’établissement d’un contrat de mariage reste très marginal (moins de 20% !) soit par méconnaissance, soit par désintérêt (« on ne souhaite pas parler séparation »), soit par utopie (« on s’aime, on n’a rien, on n’a pas prévu de se quitter »). Parallèlement, les Français restent champions du monde du contentieux, préférant payer plus de frais d’avocat plutôt que de préparer le pire.

Deux raisons essentielles impliquent la nécessité quasi-systématique d’établir un contrat de mariage :

La vétusté du Code Civil :

Bien que des mises à jour aient été effectuées régulièrement, les bases du Code Civil demeurent inchangées depuis 1804. Se conformer à des principes établis il y a 250 ans pose question. Est-il toujours adapté à notre réalité actuelle ? Est-ce pertinent de laisser ces normes régir ma vie ?

Rappelons qu’à cette date, en France, on pouvait encore naitre esclave, la femme était juridiquement considérée comme inapte à la vie civile, et le terme « communauté homosexuelle » relevait plus de la fiction que d’une quelconque réalité.

L’anticipation :

Créé à une époque où le divorce n’était pas prévu, le régime de base consiste à tout verser dans un pot commun dans l’idée de le répartir ultérieurement.

Lorsqu’un mariage s’achève, soit par divorce soit par décès, toujours dans la douleur, ce n’est en aucun cas le moment d’ouvrir ce pot commun et de faire les comptes. Il apparait toujours plus judicieux d’avoir établi les règles en amont, et de les avoir consignés par écrit pour ne pas les oublier ou les pervertir.

Il est important de comprendre qu’un contrat de mariage n’implique pas forcément de tout changer par rapport au régime par défaut. Il s’agit de créer ses propres règles soit par ajout de complément soit par modification complète. Un contrat de mariage n’est pas gravé dans le marbre ; il est vivant et évolue en même temps que le couple.

L’ajout de clause et la modification du contrat demeurent une option envisageable durant toute la durée du mariage.

On notera enfin que l’enregistrement d’un contrat de mariage reste accessible avec un coût de quelques centaines d’euros. Il n’y a donc aucune excuse pour ne pas étudier ce sujet.

La France, pays latin, applique à la perfection la loi de la généralité assortie d’exceptions : dans le Code de la Route, la règle générale est de donner la priorité à droite, sauf dans le cas des ronds-points où l’exception s’applique dans 99% des cas.

Il en va de même pour les contrats de mariage ; vous choisissez un régime général auquel vous pouvez adjoindre des exceptions (des clauses particulières).

Le régime général définira les règles standard de la vie patrimoniale du couple, usuellement reprise selon une trame succinctement définie par le Code Civil. Les futurs époux demeurent libres de modifier cette trame en ajoutant des éléments circonstanciés les concernant.

Les clauses particulières quant à elles, vont venir modifier ou définir un cas particulier de la gestion ou de la transmission du patrimoine des époux par rapport au régime général. Ces clauses sont couvertes par la règle dite de « l’avantage matrimonial » et de ce fait, sont prépondérantes par rapport aux lois et règles hors contrat de mariage, sauf celles dites d’ordre public – le fameux régime primaire.

À noter que quelles que soient les circonstances les biens insécables c’est-à-dire strictement personnels par leur nature même, tels que les vêtements de travail et sous-vêtements, restent strictement personnels.

Il existe cinq grands régimes matrimoniaux (ainsi qu’une multitude d’autres moins courants, certains étant même limités à quelques dizaines de couples en France) :

Régime de la communauté réduite aux acquêts – la communauté légale

Ce régime créé une communauté de biens regroupant tout ce qui est acquis pendant la durée du mariage. Cela englobe l’universalité des revenus du couple, quelle que soit leur origine : loyers, dividendes, salaires… mais aussi tous les éléments de patrimoine acquis grâce à ces revenus : voitures, immobilier, portefeuille de titres financiers… Par simplification on considère comme acquêt de communauté toutes liquidités disponibles et tout patrimoine acquis à compter du mariage, sauf mention contraire expresse.

En cas de divorce ou de décès, la communauté est dissoute et ses actifs sont partagés par parts égales entre les époux (en cas de décès, c’est donc la moitié des biens de la communauté du patrimoine qui entre dans le patrimoine du défunt en vue de sa succession). Il est important de noter que les bien possédés avant le mariage, ainsi que les biens hérités pendant le mariage (sauf indication contraire), demeurent personnels. Ils portent la dénomination de biens propres.

Les biens propres demeurent propres. Il en va de même du réemploi des sommes provenant de la vente des biens propres (sous réserve de le préciser en respectant une certaine forme lors du prochain achat).

Ce régime est, depuis plus de 60 ans, celui s’appliquant par défaut pour tout mariage soumis à la loi française. Il représente environ 80% des mariages, souvent par ignorance, quelques fois par volonté.

Régime de la communauté de meubles et acquêts

Il s’agit de l’ancien régime par défaut pour les mariages célébrés jusqu’au 31 janvier 1966. Ce régime créé une communauté de biens regroupant les biens acquis avant et pendant le mariage. L’intégralité des valeurs et biens mobiliers sont considérés comme appartenant à la communauté sauf héritage et réemploi de cet héritage. C’est en somme exactement le même fonctionnement et les mêmes principes que la communauté réduite aux acquêts mais en y incluant l’intégralité des biens meubles (tout élément de patrimoine, sauf l’immobilier).

Ce fonctionnement, aujourd’hui désuet, était très utile dans le temps, lorsque les maisons familiales étaient transmises de génération en génération (et que Madame allait systématiquement vivre dans la famille de Monsieur).

À la rupture du mariage, chaque époux conserve ses bien propres. Les biens de la communauté sont partagés par moitié, en nature à défaut d’accord, entre les époux.

Régime de la communauté universelle

Ce régime créé une communauté qui supprime la notion même de biens propres. Il met en commun tout patrimoine et toute dette quel que soit sa date et son mode d’acquisition.

Ce régime est extrêmement protecteur pour les conjoints et est essentiellement employé dans les cas de remariage tardif notamment en cas d’enfants extérieurs au couple (dits d’un premier lit) ou d’écart de patrimoine important entre les époux. Il peut aussi permettre à un couple avec enfant de surprotéger le conjoint survivant en défaveur des enfants, ces derniers n’héritant qu’au second décès.
Très généralement, mais pas nécessairement, ce régime est employé simultanément à une clause d’attribution intégrale au dernier des vivants – que nous verrons plus loin.

Régime de la séparation de biens

75% des contrats de mariage sont réalisés sur la base de ce régime. On considère d’ailleurs souvent, à tort, qu’un contrat de mariage équivaut systématiquement à un régime de séparation des biens.

L’ensemble des biens acquis lors de la vie maritale le sont sous le régime de l’indivision. Chacun des époux reste seul propriétaire et seul gérant de son patrimoine.

Si un achat est réalisé en commun, le pourcentage d’appartenance de chacun est fixé au moment de l’acquisition, de telle sorte qu’il n’y aura pas de masse commune à partager au moment du divorce.
De même les dettes de chaque époux leur restent propre aussi le patrimoine de l’autre époux ne peut pas être saisi pour rembourser celui du défaillant.

Aussi ce régime est vivement recommandé pour des mariages impliquant au moins un entrepreneur ou une profession pouvant apporter un risque de faillite économique.

Par exception, afin d’appliquer le régime primaire, les dettes strictement liées à la vie de la famille demeurent communes.

Régime de la participation aux acquêts

Ce régime hybride se base en cours de vie sur le principe de la séparation de biens, mais vient rééquilibrer les patrimoines à la fin du mariage, à l’instar d’une communauté légale.

Ce rééquilibre est généré en valeur par un partage (une participation) de l’enrichissement de chaque conjoint envers l’autre. Pour ce faire, un inventaire est réalisé au début du mariage, un autre à la fin du mariage pour permettre le calcul respectif de l’enrichissement de chaque époux. Autrement dit, les notaires ont souvent beaucoup de travail lors de l’emploi de ce régime.
Les époux gardent ainsi une totale liberté de gestion de leur patrimoine tout en partageant les fruits lors de la fin du mariage. A noter, néanmoins, que si un des époux s’est appauvri pendant le mariage, l’appauvrissement n’est pas partagé.

NB : Ce régime est notamment celui de Fabrice 😊

En complément et afin de personnaliser les différents régimes matrimoniaux existant dont les principaux ont été traités ci-dessus, le Code Civil prévoit de même tout un ensemble de clauses dérogatoires usuelles, dont nous reprenons ci-après les plus courantes, pouvant être adjointes ou non au contrat de mariage afin de permettre aux époux de le personnaliser au mieux et le faire correspondre à leurs volontés les plus personnelles.

Clause de préciput

Cette clause permet, dans tous les régimes communautaires, de laisser l’option au conjoint survivant de prélever au sein du patrimoine de la communauté un bien expressément mentionné dans le contrat de mariage (souvent la résidence principale). Ce bien est alors hors succession.

Clause d’attribution intégrale

Usuellement employé dans le régime de la communauté universelle mais possible dans tous les régimes communautaires. Cette clause permet au conjoint survivant d’hériter de la totalité du patrimoine de la communauté. La succession porte alors uniquement sur la part des biens propres du conjoint décédé.

Clause de création d’une société d’acquêts

Propre au régime de la séparation de biens, cette clause permet aux époux de créer une mini-communauté au sein de ce régime séparatiste. Les biens compris dans cette société d’acquêt doivent être nommés expressément. Les règles de la communauté s’appliquent alors à la société réduite aux acquêts.
Traditionnellement la société d’acquêts porte sur la résidence principale, voire résidence(s) secondaire(s), et inclus aussi une clause d’attribution intégrale au dernier des vivants ainsi qu’une clause alsacienne.

Clause alsacienne

Née en France en 1918 suite à la réintégration de l’Alsace-Moselle à la France et propre aux régimes communautaires, cette clause permet aux époux de récupérer, en cas de divorce, leurs biens propres volontairement versés dans la communauté. On vient en somme annuler le bénéfice d’une communauté universelle en cas de divorce.

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